Quelques heures avec des personnes hors du commun
Le centre hospitalier est composé de plusieurs bâtiments bas étalés dans un parc arboré de 80 hectares.
Le salon de thé appelé cafétéria et sa terrasse extérieure cohabite avec l’espace création (atelier d’Art thérapie), le bureau des thérapeutes humaniste de l’écoute (Carl Rogers), aujourd’hui moi, et avec un salon de coiffure.

Les patients et les familles décident librement s’ils préfèrent parler dans le bureau attitré à cet effet, ou dans l’espace intérieure ou extérieure de la cafétéria. De la même façon, je choisis de m’assoir seule à une table intérieure ou extérieure ou si je rejoints quelques patients attablés.
Ce jour là, une quinzaine de patients ont réunis des tables et se sont installés en une seule tablée. Je m’approche et demande si je peux m’assoir avec eux. Une chaise m’est offerte.
Un jeune infirmier arrive accompagné d’un patient. Il fait le tour de la tablée d’un regard, lit mon badge, prend une chaise et demande à son patient de s’y assoir, à côté de moi : « Tu peux me le garder 10mn ? Il n’est plus dangereux, il est trop shooté façon, mais je préférais qu’il reste sous surveillance le temps que je m’absente. ». Et l’infirmier part sans me laisser le temps de dire ouf !
Le patient de l’infirmier me regarde les yeux hagards : « Je suis gentille aujourd’hui. Mais tu n’as pas à t’inquiéter, j’ai pris mes médicaments…».
Les échanges s’animent de part et d’autre de la table. Les cigarettes s’allument et s’écrasent sans discontinuer et les cendriers se remplissent. Il y a du troc, une cigarette contre un verre de citronnade. Beaucoup aiment raconter leur histoire, la plupart décousue, parfois avec beaucoup d’émotions, parfois d’une voie monocorde sans connexion avec les mots prononcés.
L’infirmier revient au bout de 20 mn. Il me remercie avec chaleur. Son patient me prend la main et la baise « Merci madame, enchantée de vous avoir rencontré ». Ils repartent.
Un autre patient s’installe sur la chaise vacante. Il parle fort, veut en découdre avec son voisin d’en face. Je lui demande : « Vous êtes colère ? ». Le patient me gifle : « Tais-toi ». Un autre patient s’en mêle : « Ca va pas non. Elle est gentille elle. Faut pas lui faire du mal ». Le patient en colère s’excuse, dit qu’il ne savait pas que j’étais une gentille, se lève et s’en va.
Un autre patient s’installe à côté de moi.
Patient – T’es qui toi ? me demande le jeune homme en posant un doigt sur mon badge. Ah, c’est marqué, t’écoutes les autres.
Moi – Oui, je suis à l’écoute de toute personne qui en exprime le besoin.
Patient – Je veux bien parler.

Il se lève, me fait signe de le suivre et va s’installer à une table en retrait. Je m’assieds en face de lui.
Serge – Je m’appelle Serge, je suis un nymphomane.
Moi – Un nymphomane…
Serge – Oui. Normalement, ce sont les femmes qui sont nymphomanes, mais le psychiatre m’a dit que c’était mieux de dire nymphomane qu’obsédé sexuel.
Moi – …..
Serge – Je te jure, je suis obsédé. Il suffit que ma copine mette un doigt sur mon nez et ça me déclenche des envies. Mais t’en fais pas, je viole pas. Et puis là, je suis sous cachets alors je suis calme, t’as rien à craindre.
Il aperçoit une jeune femme et appelle : « Lydie, Lydie, viens voir par ici ». La jeune femme s’approche de notre table.
Lydie – Qu’est ce que tu veux ?
Serge – La dame, elle écoute. Racontes lui pour toi.
Lydie – Moi, j’ai été cloné.
Le jeune homme éclate de rire et s’exclame « Elle est skizo ». Lydie se renfrogne : « Ici, on est tous des skizo, skizo affectif, skizo léger, skizo-ci, skizo-ça, c’est plus facile pour eux de dire qu’on est tous skizo. Ca leur permet de dire qu’ils sont normaux eux ».

Serge se lève et s’éloigne en riant. Lydie prend sa place.
Lydie – J’ai été cloné. C’était il y a des centaines d’années. Ils ont étouffé l’affaire et m’ont interné.
Lydie – J’aime pas ta chemise.
Moi – Toute la chemise ou uniquement les couleurs.
Lydie – Elle a du rouge, j’aime pas.
Etre en couple, c’est aussi s’engager à tendre vers l’objectif d’être soi, se dépouiller des injonctions de nos ancêtres afin d’être dans une communication la plus vrai possible, « Je » . Pouvoir partager ses émotions, ses sentiments en toute sécurité.

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